C’est en présence de nombreux citoyens le 9 mars 1933 dans les enceintes de l’hôtel de ville de Sainte-Agathe, que la Chambre de commerce du Grand Sainte-Agathe vit le jour. Ses objectifs étaient clairs : être le porte-voix officiel « des intérêts commerciaux et variés » et œuvrer inlassablement pour « favoriser et améliorer le bien-être économique et social » de la région.[1]
Dès ses débuts, elle a montré une grande activité en organisant les premières régates de Sainte-Agathe en 1933 et en plaidant pour l’implantation d’un magasin de la Commission des liqueurs.[2] En 1935, elle a été sollicitée pour aider à créer une fédération régionale avec d’autres chambres de commerce des Laurentides.
Dès 1937, la Chambre a cherché à obtenir le soutien de la ville de Sainte-Agathe pour développer un programme axé sur les sports d’hiver. Elle a également appuyé son député dans l’établissement d’un marché public.[3] La Chambre n’a pas hésité à engager des discussions avec des compagnies ferroviaires pour promouvoir la région en tant que destination touristique. L’année suivante, ses membres ont officiellement demandé à l’Office des salaires raisonnables de reconnaître Sainte-Agathe comme une destination saisonnière et touristique.[4] Pendant de nombreuses années, la Chambre de commerce s’est employée avec détermination à attirer des visiteurs internationaux, à promouvoir les attraits sportifs des Laurentides, ainsi que le savoir-faire des artisans, commerçants et industriels.
L’année 1940 a marqué un tournant pour la Chambre de commerce de Sainte-Agathe. En plus d’organiser son premier carnaval d’hiver, elle s’est engagée dans plusieurs batailles pour le développement de la région, notamment le maintien d’un service ferroviaire de nuit, la réduction des péages sur les ponts, le parachèvement d’une route nationale jusqu’à Mont-Laurier, et la construction d’une centrale électrique.[5] C’est également cette année-là que la Chambre de commerce de Saint-Jovite a été créée, inaugurant une amitié entre les deux organisations. Les Chambres de commerce de Saint-Jovite et de Sainte-Agathe ont collaboré étroitement pour améliorer le transport dans la région, notamment en faveur du déneigement de la route 11. Leur coopération a porté rapidement ses fruits, car dès 1941, les journalistes de Montréal ont été invités à découvrir les Laurentides en hiver, profitant d’un nouvel engin de déneigement qui a rendu le trajet entre la métropole et la région plus sûr.[6] En décembre de cette même année, grâce à l’engagement constant et rigoureux de la Chambre de commerce, et avec le soutien de la ville de Sainte-Agathe, la région a obtenu la première école de charpente et de menuiserie du comté de Terrebonne.[7] La ville et la Chambre de commerce ont collaboré sur divers dossiers, notamment la construction d’un viaduc au-dessus de la voie ferrée.
En 1945, Gaston Gibeault, président et membre fondateur de la Chambre de commerce, a été nommé au Conseil du Roi. À cette époque, la Chambre comptait déjà plus de 135 membres, avec des adhésions allant de deux à dix dollars.[8]
En 1947, J. Adélard Ratelle est devenu président bénévole et directeur général du Carnaval Laurentien, un poste qu’il a occupé pendant 25 ans.[9] Sous sa direction, le carnaval a connu un grand succès. Il a mis en avant le folklore québécois, avec des ceintures fléchées, des danses carrées, des mocassins et des tuques multicolores. Le carnaval a inclus des événements tels que le couronnement de la reine dans un palais de glace illuminé sur le Lac des Sables, des courses de raquetteurs, des courses de chiens, des épreuves de chevaux en « sulky », des feux d’artifice et un bal masqué.[10]
En 1950, J. A. Ratelle est élu président de la Chambre de commerce de Sainte-Agathe. Ratelle voit grand : plus d’attractions touristiques, comme la construction d’une glissade de traines sauvages, la construction d’un aréna avec une glace artificielle, l’embellissement des entrées de la ville, l’aménagement d’un parc près de la gare, le pavage de la route 30 entre Sainte-Agathe et Saint-Donat, ainsi que le développement de la petite industrie. [11]
J.A. Ratelle organisa, dans un geste de solidarité sans précédent, un spectacle-bénéfice pour la reconstruction de la ville de Rimouski, ville qui avait été touchée par un violent incendie au printemps. Le tiers des bâtiments de Rimouski avait été détruit. C’est ainsi que la Chambre de commerce de Sainte-Agathe amassa des sommes importantes, dont 635,25 $ sera utilisé pour la reconstruction de la scierie de Rimouski. [12]
Avec l’objectif de promouvoir Saint-Agathe, lors du carnaval de 1951, J. A. Ratelle invita Barbara Ann Scott, championne mondiale de patinage artistique. Cette icône était une véritable attraction pour l’événement, contribuant ainsi à accroître la notoriété du carnaval. [13] Pendant l’été, la Chambre de commerce organisa une conférence-concert axée sur l’avenir de la culture francophone, rassemblant plus de 600 participants.
Les activités sportives ont joué un rôle essentiel dans l’évolution du tourisme et de l’économie du Grand Sainte-Agathe. Une compétition cycliste reliant Montréal à Sainte-Agathe a été organisée en 1953, anticipant l’importance future du P’tit train du Nord, qui ne verra le jour qu’en 1996. Parmi les 44 participants à cette course, seuls 18 ont réussi à atteindre la ligne d’arrivée avec succès.[14]
À l’hiver 1958, J. A. Ratelle s’est rendu à New York pour promouvoir le Carnaval Laurentien à Central Park et au Rockefeller Plaza, faisant également des apparitions à la télévision américaine. Il a contribué à faire du Grand Sainte-Agathe une destination touristique de renom, à la fois au niveau national et international. Pendant son mandat à la tête du carnaval, J. A. Ratelle a lancé d’importantes campagnes publicitaires, allant même jusqu’à faire acheminer de la neige par avion pour recréer une bataille de boules de neige au cœur de New York.[15]
En novembre 1959, les hôteliers des Laurentides ont participé à l’exposition nationale américaine des sports d’hiver au Coliséum de New York, une initiative soutenue par J. A. Ratelle.[16]
Les années 60 ont introduit une période économique plus complexe pour Sainte-Agathe. En 1961, la Chambre de commerce a réclamé la création d’un ministère du Tourisme pour soutenir ses objectifs de croissance.[17] Malgré des projets ambitieux, comme la création d’un village historique, des réserves ont émergé en raison des règles de zonage. Ces règles avaient été instaurées en réponse aux demandes insistantes de la Chambre de commerce.[18]
En 1964, la Chambre de commerce a réaffirmé son engagement envers les intérêts collectifs en réclamant la fusion de plusieurs entités administratives municipales pour éviter la migration des jeunes et stimuler la croissance de la population.[19]
En 1968, Jackie Kennedy séjourne avec ses enfants chez ses amis, les Timmins, pour skier dans les Laurentides. Bien que toute la région soit en émoi dans l’espoir d’apercevoir Mme Kennedy, elle profite sereinement de ses activités de ski à Mont-Tremblant, entourée de la protection discrète des agents de la Gendarmerie royale. Quoi qu’il en soit, la Chambre de commerce et la ville de Sainte-Agathe collaborent pour lui adresser des fleurs. M. Timmins les remercie chaleureusement pour ce geste.[20]
En 1969, Sainte-Agathe a entrepris des démarches pour élargir son économie, accueillant l’entreprise Bigelow-Canada Limited. La Chambre de commerce a travaillé d’arrache-pied pour tenter d’attirer trois usines d’origine française. Ces initiatives s’intégraient dans un plan de repositionnement plus vaste, notamment avec l’ouverture de l’aéroport international de Mirabel.[21]
En 1971, la Chambre de commerce a demandé que Sainte-Agathe-des-Monts soit soustraite de l’application de la Loi 24 concernant les heures de fermeture des magasins. En 1972, le gouvernement du Québec a ouvert une cour provinciale à Sainte-Agathe-des-Monts, renforçant son rôle de centre régional.[22]
À la fin des années 70, Bigelow-Canada Limited prévoit une expansion de ses activités à Sainte-Agathe-des-Monts. Or, au début des années 80, c’est plutôt l’inverse qui se produit. La fermeture est évitée de justesse grâce à l’achat par Tapis Artisans, mais dès l’automne 1981, l’usine est stoppée nette pour écouler l’inventaire. Le gouvernement du Québec offre des subventions importantes pour tenter de sauver les 150 emplois de l’usine. À l’automne 1984, cent emplois sont retranchés, un effet dévastateur pour l’entreprise qui a de la difficulté à s’en remettre. En avril 1985, la communauté se mobilise contre la fermeture, en vain. Le secteur industriel subit un dur coup avec cette fin abrupte.[23]
Malgré tout, les entreprises « Les Maisons d’autrefois / Atontec » et « Meubles du Québec inspiration XIXe siècle limitée » fusionnent pour devenir aujourd’hui Fenêtres MQ, une entreprise industrielle qui a su rayonner et exporter le savoir-faire agathois partout dans le monde. Une belle histoire de succès![24]
En 1982, la création de la MRC des Laurentides par le gouvernement du Québec donne lieu à une bataille entre Sainte-Agathe-des-Monts et Saint-Jovite pour y établir le siège. C’est finalement à Saint-Faustin, entre les deux concurrentes, qu’il sera construit. Cette année-là, Sainte-Agathe lance un festival « l’Hiver en Nord », un peu à la manière du carnaval d’autrefois.
En janvier 1986, J. Adélard Ratelle décède à l’âge de 70 ans. Grand défenseur de l’industrie touristique, il a su imprégner sa marque dans le cœur des Agathois. Tous saluent le courage, le travail acharné et la dévotion d’Adélard Ratelle.
En 1994, la Chambre de commerce du Grand Sainte-Agathe s’est engagée dans le développement d’une nouvelle proposition visant à élargir les secteurs industriels tout en préservant le patrimoine naturel de la région. À la fin des années 90, la Chambre a mobilisé la société civile pour préserver le pôle régional en santé à Sainte-Agathe-des-Monts, qui s’était diversifiée vers l’industrie des services. Le siège de la Commission scolaire y est établi. Au début des années 2000, le gouvernement du Québec établit également un centre de formation professionnelle. Le parc linéaire du P’tit train du Nord est arrivé comme une bouffée d’air frais dans l’économie agathoise, attirant de nombreux visiteurs.[25]
En somme, la Chambre de commerce du Grand Sainte-Agathe a joué un rôle crucial dans le développement économique et social de la région au fil des décennies. Elle a fait face à des défis économiques et a su s’adapter pour promouvoir Sainte-Agathe-des-Monts en tant que destination touristique et centre régional dynamique.
[1] Lettres patentes de la Chambre de commerce de Sainte-Agathe, 1933 [2] LAURIN, Serge. Sainte-Agathe-des-Monts, un siècle et demi d’histoire, Sainte-Foy : les Presses de l’Université Laval, 2002. (p.151) [3] Journal L’avenir du Nord, 19 novembre 1937. [4] Journal Le Canada, 7 février 1938. [5] Journaux L’avenir du Nord, 1 mars 1940, 26 avril 1940, 12 juillet 1940 et 6 décembre 1940. Journaux La Presse, 17 septembre 1940 et 30 septembre 1940. [6] Journal Le Canada, 25 janvier 1941. [7] Journal L’avenir du Nord, 26 décembre 1941. [8] Journaux La Presse, 5 janvier 1945 et L’avenir du Nord, 23 mars 1945. [9] Tourisme Laurentides, 2023. [10] Journaux Le Canada, 29 janvier 1945, L’avenir du Nord, 13 février 1948. [11] Journal Le Devoir, 14 avril 1950. [12] Journal Le Devoir, 22 juillet 1950. [13] Journal La Patrie, 7 février 1951. [14] Journal Le Canada, 21 juillet 1953. [15] Journal La Presse, 17 janvier 1958. [16] Journal L’action catholique, 14 novembre 1959. [17] Journal L’avenir du Nord, 15 novembre 1961. [18] Journal La Presse, 18 décembre 1962. [19] Journal Le Devoir, 5 décembre 1964. [20] Journal Photo Journal, 6 mars 1968. [21] Journaux La Revue de Terrebonne, 17 juillet 1969 et La Presse, 19 juillet 1969. [22] LAURIN, Serge. Sainte-Agathe-des-Monts, un siècle et demi d’histoire, Sainte-Foy : les Presses de l’Université Laval, 2002. [23] Ibid. [24] Ibid. [25] Ibid.